mardi 18 septembre 2012


FRAT MAG 02
EN COUVERTURE
ESCORT GIRLS
L’univers caché des belles, chics et pas seulement «Intellos»
Ne les enviez surtout pas, lorsque vous les croisez dans la rue, un supermarché, un café ou à un gala. Belles, jeunes, élégantes et diplômées, toujours au volant d’une rutilante voiture à la mode, pour la plupart d’entre elles, vous les verrez, rarement, vivre avec un homme. Quand vous leur posez la question de savoir pourquoi une jeune femme, si belle avec une bonne situation sociale ne vit-elle pas, maritalement, à tout le moins, elles vous répondront, évasivement, dans 80% des cas: «Laisses-tomber cher ami, mon gars vit aux States, en Europe, etc. Tu es mon pote et si ça arrive qu’on a un flash, on peut se gérer, sans plus».
Mais à force de relation désintéressée, s’appuyant sur l’immersion dans le milieu des Escort girls et présenté par l’une qui force l’admiration dans le milieu, des filles Bon chic bon genre d’Abidjan, se décident à nous expliquer leur vie. Leur «vraie vie». Derrière les Vuitton, Dolce &Gabanna, et tout l’arsenal des marques de luxe  qu’elles exhibent avec  ostensiblement, sans compter les appartements haut standing et les bolides, la vie d’une Escort girl, comme il est admis de les appeler, n’est pas de tout repos et est, au dire de certaines d’entre elles, plus contraignante que celle d’une prostituée.
Incursion dans l’univers de ces belles, qui auraient pu être des modèles. Hélas.
Mady, 27 ans, titulaire d’une maîtrise en communication, obtenue à l’Université d’Abidjan, en 2006 confie que leur mission qui est celle de «rendre agréable les séjours de diplomates et autres hommes d’affaires de passage en Côte d’Ivoire ou de celui d’officiels et businessmen ivoiriens à l’Etranger», n’est pas chose aisée. «Grand frère», interpelle-t-elle, «De la manière dont tu me vois, souvent, à la descente de l’agence de transit où je suis cadre commerciale et marketing, m’offrir et t’offrir des tournées de Chivas ou de Jack Daniels, n’est pas fortuit. En fait, dans les hôtels, pubs et autres restaurants que je fréquente, je suis inscrite dans le pipeline du couple qui gère notre réseau. Donc, très souvent, en feignant ne pas nous connaître, en raison des exigences du client qui nous sont rapportées minutieusement par la régisseuse, nous essayons, tout en étant discrètes, de nous faire remarquer, individuellement. Ainsi, en faisant la causette avec un journaliste qui a de la cote, un artiste reconnu ou une personnalité, ça fait grimper notre cote à nous». En 6 ans d’expérience dans le milieu, elle affirme n’avoir jamais couché plus de trois fois avec le même client. «C’est même proscrit», précise Mady. De l’Espagne en Turquie, en passant par le Maroc, le Nigeria, l’Ethiopie, les Emirats Arabes Unis, la Guinée ou le Ghana, elle en a vu des vertes et des pas mûres. Mais, cette orpheline de père depuis l’âge de 16 ans, puis de mère à 21 ans, n’a aucun remord sur son style de vie. Elle s’enorgueillit d’avoir pu quitter les bas-fonds de MarcorySicogi pour se retrouver aux Deux Plateaux Les vallons où elle nous reçoit dans un décor de rêve sur la berge de sa piscine.
Dans le même tempo, K.S., un brin d’amertume dans le coin de l’œil, mais le regard toujours rempli de malice, affirme que c’est en tant que déplacée de guerre et asservie par la précarité qu’elle a pris conscience que sa plastique sulfureuse ne laissait personne indifférent. Surtout, les hommes plus âgés, alors qu’elle n’était, en 2003, âgée que de 15 ans. Ayant frappé dans l’œil d’une jeune dame qui faisait l’objet de ragots sans preuves d’être une prostituée, mais aussi de fantasmes des hommes dans son quartier d’accueil à Angré, cette dernière l’initie au métier d’Escort girl. Règle numéro 1: «Si tu n’as pas au moins le niveau Bas, ma petite, c’est-à-dire, te donner les atouts pour te prendre toi-même en charge, une fois que tu auras fait le tour de ces hommes importants, ce n’est pas la peine». En fait, Maryse avec qui nous avons eu le loisir de discuter un soir, à Assinie avec un des «gros bonnets» que nous connaissons, la jeune dame qui a vécu longtemps à Strasbourg en France, cette expérience pendant qu’elle y était étudiante explique en quoi consiste cette activité:«Une Escort n’est pas une femme, elle est un objet». Puis, après avoir étouffé deux sanglots, entre deux bouffés de cigarette, de poursuivre: «Nous n’avons pas le droit de prendre quelques kilos sans les voir, tout  de suite, sortir de leurs gonds, les clients comme les patrons, car, s’il est avéré que nous ne devons avoir des relations de longue durée avec les clients, nous n’avons pas, une fois qu’ils payent gros, le droit d’être malades sans nous faire insulter parce que nous ne sommes plus disponibles au moment pile où ces messieurs le désirent ; un objet ne tombe pas malade… ».

Quelle différence avec une prostituée ?
«La différence entre l’Escort et la prostituée, c’est que la première passe sa soirée avec un seul client, et la seconde, autant qu’elle en veut, à son gré». Cette réponse de T.K, ex-candidate au concours de beauté Miss Côte d’Ivoire et reconvertie en Escort, fait ressortir un détail qui vaut son pesant d’or. En effet,  c’est une différence de classe. On n’invite pas au restaurant une prostituée de rue. Mais l’Escort si. Mieux, c’est parfois elle qui invite. Mais à un moment, elle est obligée de faire de l’abattage chez elle. Pour éviter qu’un gros payeur ne se fâche à jamais avec tout le réseau.
Mais que font-elles de leur argent ?
P. K.S (nom de code, Ndlr), une journaliste, mais aussi ancienne Escort, témoigne: «L’argent, c’est super dangereux. Avec 50 000 ou 60 000 Cfa, en moyenne par jour, on en garde moins qu’avec 2 millions Cfa par mois. Avec tout ce que j’ai gagné, pourquoi est-ce que j’en ai mis si peu de côté? On a, toutes, le même problème ; on est tellement mal qu’on a besoin de compenser. On achète des trucs incroyables, on ne regarde plus les prix. Maintenant, je regarde et ça me fait du bien de revenir dans le réel. Ce monde-là est trop dangereux. Le plus dur, c’est la peur du lendemain, l’insécurité.
Je me suis toujours forcée à arrêter au bout d’une certaine somme. Je savais que ce n’était pas ça la vie. J’étais complètement hors réalité. Et puis il y a le piège de l’alcool. Je buvais pas mal. Et  suite à un braquage, au sortir d’un night-club avec une personnalité, je ne dormais plus. Je suis devenue, au bout du compte, alcoolique. J’ai réussi à arrêter petit à petit».
Quand Internet  devient le nouveau terrain de chasse
 Quelques Escort-girls rapportent que certaines sont contactées sur les forums Internet. En général, elles sont très seules et c’est un moyen de se sentir protégée.
Généralement, celles-ci rêvent d’immigrer en Europe. Délaissant leur relative stabilité, ici, pour un hypothétique bonheur, là-bas.
B…oo, M….ic, S….x, etc., sont autant de sites de rencontres où se pêchent, à la pelle, ces filles avides de gloire. Même sur des réseaux plus sérieux comme Facebook ou Twitter, les plus entreprenantes n’hésitent pas à vendre leurs services, sans vergogne. Alléguant qu’elles peuvent, aussi bien utiles, en dame de compagnie pour un gala, une mission. Sans plus. Comme elles pourraient l’être au lit ou au boulot. Oui boulot, parlons-en. Quand elles ont fait le tour, moins sur le Net que dans la vie, elles s’ouvrent ou se font ouvrir qui, une agence d’hôtesses et de mannequins qui pourrait servir de pépinière pour le métier d’Escort, qui, un salon de coiffure et d’esthétique, de couture, ou encore une agence de voyage ou de com, pour pérenniser la tradition.
La Toile est moins radieuse. Les plus chanceuses se contenteront d’un «Vieux blanc» retraité, comme ce fut le cas pour Safi qui habite la Riviera Palmeraie. La plupart du temps, nos «belles du Net» sont abonnées aux désillusions et désenchantements qui mènent à la prostitution vraie. Il y en a, ainsi, qui ont été mises, in fine,  au trottoir à 20 ans, à peine par des clients aux pratiques sexuelles peu recommandables. Battues, ou plutôt fouettées, menottées si ne sont pas elles qui le font à la demande de leurs pervers de contacts, d’autres ont même plongé dans des drogues dures, et en gardent une haine immense.
Beaucoup de ces filles disent que c’est un super job. Elles se voilent la face, pour celles qui ont pu s’en sortir, car estiment-elles, «elles n’osent pas dire la vérité». Elles ont 30 ans. Et après, et leur avenir ? Et le trou dans leur CV ? «Moi, quand j’arrive pour un entretien d’emploi, on me demande déjà des explications pour une année ou deux où je n’ai rien et qui équivalent à mes périodes intenses d’Escort. C’était après mon agression, j’avais pris une ou deux années sabbatiques», confesse C.H. car, après tout ce mirage, il faut bien penser aux vieux jours de ces fleur qui aura flétri au prix des vices et de la fornication sur l’autel de l’argent et de la gloire. Entre-temps, des maternités seront passées par là, la famille aura compris tout l’artefact. L’âge d’or n’étant donc plus pour demain, il faut pouvoir vivre avec lucidité.

REMI COULIBALY

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